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Pour une Nouvelle France forte et indépendante
17 février 2015

L'arrêt de la Cour de Justice de la République du 4 août 2011 dans l'affaire TAPIE

 

L'an deux mil onze et le quatre août;

 

La Commission des requêtes près la Cour de justice de la République;

 

Vu les articles 68-1 et 68-2 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

 

Vu les articles 13 et 14 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la

 

République;

 

Vu la demande d'avis du Procureur général près la Cour de cassation, ministère public près la Cour de

 

justice de la République en date du 10 mai 2011 enregistrée sous le n° 11/14 relative à une

 

procédure dirigée contre Mme Christine Lagarde, ministre chargé de l'économie;

 

Vu les pièces jointes à la demande d'avis;

 

Après avoir entendu, à la séance du 04 août 2011, les membres de la commission désignés comme

 

rapporteurs;

 

Après en avoir délibéré:

 

Attendu que, par requête en date du 10 mai 2011, le ministère public près la Cour de justice de la

 

République a demandé à la commission des requêtes son avis sur la saisine de la commission

 

d'instruction contre Madame Christine Lagarde, pour délits commis dans l'exercice de ses fonctions

 

de ministre chargé de l'économie;

 

Attendu que de cette demande et des pièces soumises à la commission résultent les faits suivants:

 

Entre juillet 1990 et janvier 1991, les époux Tapie, par l'intermédiaire de plusieurs sociétés dont ils

 

avaient le contrôle, ont acquis la presque totalité des actions de la société Adidas avec le concours

 

financier de la Société de banque occidentale (SDBO) filiale du Crédit lyonnais.

 

En décembre 1992, M. Bernard Tapie étant devenu député, puis ministre de la ville, un document

 

appelé "mémorandum" a été signé entre, d'une part, les époux Tapie et les sociétés du groupe Tapie

 

et, d'autre part, la SDBO. Les premiers s'engageaient à vendre, au plus tard le 15 février 1993, au prix

 

de deux milliards quatre-vingt-cinq millions de francs, leurs parts d'Adidas aux acquéreurs qui

 

seraient désignés par la SDBO et à consacrer le prix de la vente au remboursement des concours

 

consentis par celle-ci. Le 12 février 1993, huit sociétés, parmi lesquelles la société Clinvest, filiale du

 

Crédit lyonnais, se sont portées acquéreurs au prix convenu. Le même jour, les sociétés cessionnaires

 

ont elles mêmes consenti à M. Louis-Dreyfus une option d'achat des actions Adidas au prix de trois

 

milliards quatre-cent-quatre-vingt-dix-huit millions de francs. Cette option a été levée par l'intéressé,

 

le 22 décembre 1994.

 

A la même époque, ne pouvant faire face à leurs engagements, les époux Tapie et les sociétés de leur

 

groupe ont fait l'objet de mesures de redressement puis de liquidation judiciaire, à l'exception d'une

 

des sociétés, Bernard Tapie Finances devenue Compagnie européenne de distribution et de pesage.

 

Les mandataires judiciaires ont alors engagé plusieurs actions en justice en reprochant à la SDBO et

 

au Crédit lyonnais, d'une part, d'avoir soutenu abusivement les sociétés du groupe Tapie, d'autre

 

part, de s'être appropriés la plus-value réalisée lors de la vente des actions à M. Louis-Dreyfus.

 

Parallèlement, à partir de 1993, le Crédit lyonnais s'est trouvé en difficulté, à la suite de

 

financements hasardeux au cours des années précédentes et l'Etat a dû intervenir pour le soutenir.

 

Le 5 avril 1995, un protocole relatif à la cession de divers actifs douteux a été signé entre l'Etat et la

 

banque. Il a été suivi de plusieurs avenants, qui comportaient notamment des dispositions spéciales

 

relatives aux "risques non chiffrables" dépendant de l'issue de procédures contentieuses. Ce

 

protocole et les premiers avenants déjà signés ont été validés par la loi n° 95-1251 du 28 novembre

 

1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir

 

des entrepreneurs. Pour mettre en oeuvre les opérations dites de "défaisance", concernant le Crédit

 

lyonnais, a été créé l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), aux droits de

 

la Société de participation banque et industrie, placé sous la tutelle du ministre chargé de

 

l'économie. Selon la loi, cet établissement public, propriétaire de toutes les actions de la société de

 

droit privé dénommée Consortium de réalisation (CDR), était chargé de gérer le soutien financier de

 

l'Etat à cette société, celle-ci étant chargée de la réalisation des actifs cantonnés.

 

Le 7 novembre 1996, le tribunal de commerce de Paris, statuant dans une des instances engagées

 

par les mandataires judiciaires a jugé que la SDBO avait commis des fautes dans ses relations avec le

 

groupe Tapie et ordonné une expertise pour évaluer le préjudice en résultant.

 

Par courriers du 17 septembre 1999, le ministre chargé de l'économie a fait connaître aux présidents

 

du CDR et du Crédit lyonnais que le "contentieux Adidas" s'inscrivait dans les "risques non

 

chiffrables" évoqués ci-dessus et relevait donc de la garantie de l'Etat.

 

En 2004 une procédure de médiation, sollicitée par les liquidateurs et confiée à M. Burgelin,

 

procureur général près la Cour de cassation, a échoué, semble-t-il du fait de l'intransigeance des

 

liquidateurs.

 

Le 30 septembre 2005, les instances judiciaires ayant été reprises, la cour d'appel de Paris, estimant

 

que la SDBO et le Crédit lyonnais avaient commis des fautes dans l'exécution de leur mission de

 

mandataire, a condamné le CDR et le Crédit lyonnais à payer aux mandataires liquidateurs une

 

indemnité de 135 millions d'euros.

 

Statuant sur les pourvois formés contre cette décision, par un arrêt du 9 octobre 2006, l'assemblée

 

plénière de la Cour de cassation, après avoir rejeté un moyen tiré de l'irrecevabilité à agir des

 

mandataires judiciaires, a cassé l'arrêt de la cour d'appel du chef de la condamnation prononcée.

 

L'arrêt a retenu, d'une part, que les motifs de la cour d'appel étaient impropres à caractériser

 

l'immixtion du Crédit lyonnais dans l'exécution du mandat délivré à sa filiale, et donc à fonder l'action

 

en responsabilité contractuelle engagée contre cette banque, d'autre part, s'agissant des fautes

 

reprochées à la SDBO, qu'il n'entre pas dans la mission du mandataire de financer l'opération pour

 

laquelle il s'entremet et que la décision du banquier d'octroyer ou non un crédit est discrétionnaire.

 

Dans un premier temps la cour de renvoi a été saisie, puis par courrier du 30 janvier 2007, les

 

mandataires judiciaires, invoquant l'intérêt général et la volonté de ne pas alourdir les frais

 

judiciaires de la procédure collective, ont proposé au CDR de recourir à un arbitrage pour mettre un

 

terme au litige, ainsi qu'aux procédures qui en dérivaient, notamment celles relatives aux

 

liquidations judiciaires, à l'indemnisation du préjudice subi par les époux Tapie du fait de leur mise en

 

liquidation judiciaire, ou à celles qui avaient été engagées par ailleurs, comme l'action en dommagesintérêts

 

pour soutien abusif et rupture abusive de crédit contre le CDR et le Crédit lyonnais.

 

Par courrier du 1er août 2007, et alors que venaient d'être déposées devant la cour d'appel de

 

renvoi, des conclusions tendant au paiement de dommages-intérêts élevés à 7,4 milliards d'euros

 

représentant 78 % de la valeur des titres Adidas en 2007 et, subsidiairement, de la somme de 863

 

millions d'euros au titre de la violation de l'obligation de loyauté du mandataire, les mandataires

 

judiciaires ont renouvelé leur demande de recours à l'arbitrage.

 

Le 11 septembre suivant, ainsi qu'il résulte d'une note datée du 17 septembre 2007 du directeur de

 

l'Agence des participations de l'Etat, celui-ci a été informé, au cours d'une réunion tenue au cabinet

 

du ministre de l'économie et des finances, en présence du président du conseil d'administration du

 

CDR, M. Jean-François Rocchi, nommé à ce poste le 20 décembre 2006, de l'intention de ce dernier

 

d'accepter la demande d'arbitrage et de la décision définitivement prise par le Gouvernement de

 

donner son accord de principe, à travers le conseil d'administration de l'EPFR, à l'ouverture d'une

 

telle procédure.

 

Le conseil d'administration du CDR, puis celui de l'EPFR, sous la présidence de M. Bernard Scemama,

 

nommé à ces fonctions par décret en conseil des ministres en date du 15 septembre 2007, se sont

 

prononcés respectivement les 17 septembre et 2 octobre pour le premier, le 10 octobre suivant pour

 

le second, en faveur de cette procédure. Un compromis d'arbitrage a été signé le 26 novembre 2007.

 

Les mandataires judiciaires déclaraient, dans cet acte, limiter le montant de l'ensemble de leurs

 

demandes à 295 millions d'euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1994,

 

pour le préjudice matériel et à 50 millions d'euros pour la réparation du préjudice moral des époux

 

Tapie. Il était précisé que les arbitres statueraient en droit et seraient tenus par l'autorité de chose

 

jugée et notamment par l'arrêt de la Cour de cassation du 9 octobre 2006, mais que la sentence ne

 

serait pas susceptible d'appel.

 

La sentence a été rendue le 7 juillet 2008. Elle a retenu, à la charge du Crédit lyonnais, une violation

 

de l'obligation de loyauté et de l'interdiction de se porter contrepartie. Le tribunal arbitral a

 

condamné de ces chefs le CDR et sa filiale, CDR créances, à verser aux mandataires judiciaires des

 

sociétés du groupe Tapie, la somme de 240 millions d'euros avec intérêts au taux légal, sous

 

déduction pour le calcul de ces intérêts, de la créance hypothécaire du CDR sur l'immeuble parisien

 

de la rue des Saints-Pères occupé par les époux Tapie. Le CDR et sa filiale ont été également

 

condamnés à payer à ces mêmes mandataires judiciaires se « substituant » à M. et Mme Bernard

 

Tapie la somme de 45 millions d'euros au titre du préjudice moral.

 

La sentence ayant été revêtue de l'exequatur, le 17 juillet suivant, et les conseils d'administration du

 

CDR et de l'EPFR ayant renoncé, par délibérations du 28 du même mois, à tout recours en annulation,

 

un protocole d'exécution a été signé le 16 mars 2009. Suite à ce protocole le CDR s'est trouvé devoir

 

une somme totale de 403 millions d'euros aux parties adverses et, après compensation avec diverses

 

créances, il aurait versé un montant net de près de 304 millions d'euros.

 

Dès septembre 2008, la commission des finances de l'Assemblée Nationale a entrepris une série

 

d'auditions destinées à éclairer les conditions du recours à la procédure d'arbitrage et les raisons

 

pour lesquelles il avait été décidé de ne pas former de recours en annulation contre la sentence. Le

 

rapport de la commission a été publié en avril 2011. Il concluait que le recours à l'arbitrage, décidé

 

par le ministre qui avait donné des instructions en ce sens était une faute, que la représentation

 

nationale n'aurait pas dû être tenue à l'écart et qu'étant donné les montants considérables de

 

l'indemnisation, l'abandon du recours en annulation, après instruction du ministre, constituait une

 

autre faute.

 

Plusieurs parlementaires ont alors dénoncé, par courriers des 1 er et 6 avril 2011 adressés au

 

procureur général près la Cour de cassation, les nombreuses anomalies qui avaient entouré

 

l'arbitrage et pouvaient faire soupçonner que Mme Lagarde avait commis des faits pouvant être

 

qualifiés d'abus d'autorité, faux, usage et complicité de détournement de fonds publics dans

 

l'exercice de ses fonctions ministérielles.

 

Le 8 avril 2011, le procureur général près la Cour des comptes a fait parvenir à celui de la Cour de

 

cassation les résultats des contrôles effectués sur la gestion de l'EPFR et du CDR pour les exercices

 

2007, 2008 et 2009.

 

Le 11 avril 2011, le ministère de l'économie des finances et de l'industrie a transmis au procureur

 

général près la Cour de cassation, les documents en sa possession relatifs à l'arbitrage.

 

Le 25 mai 2011, le procureur général près la Cour des comptes a renvoyé le dossier devant la Cour de

 

discipline budgétaire et financière pour qu'il soit instruit sur les nombreuses irrégularités, relevées

 

dans la gestion du CDR et de l'EPFR notamment à l'encontre de leurs présidents, Messieurs Jean-

 

François Rocchi et Bernard Scemama, irrégularités susceptibles de constituer l'infraction prévue à

 

l'article L 313-4 du code des juridictions financières.

 

Le 9 juin 2011, ce même magistrat a dénoncé au procureur de la République de Paris, en application

 

de l'article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de constituer des abus de pouvoirs

 

ou de biens sociaux, qui auraient été commis dans la gestion du CDR à l'occasion du litige avec le

 

groupe Tapie.

 

Enfin, à plusieurs reprises, et spécialement les 27 mai et 8 juin, Maître Repiquet, avocat du ministre,

 

a spontanément adressé à la commission des notes en défense.

 

Sur ce:

 

Attendu que le processus, qui a conduit au prononcé de la sentence du 7 juillet 2008 et à la

 

condamnation du CDR au paiement de sommes élevées à la charge des finances publiques comporte

 

de nombreuses anomalies et irrégularités;

 

Attendu que le "contentieux Adidas" n'était visé ni par le protocole du 5 avril 1995 ni par la loi du 28

 

novembre 1995; que, selon le référé au Premier ministre de la Cour des comptes, du 12 novembre

 

2010 relatif à la "défaisance" du Crédit lyonnais, le courrier ministériel du 17 mars 1999, qui a

 

étendu, sans validation législative, la garantie du CDR au contentieux lié à la cession des

 

participations de la société Adidas, était privé de fondement juridique ; qu'en outre les raisons de

 

cette décision n'apparaissent pas clairement;

 

Attendu que la légalité du recours à l'arbitrage par le CDR, propriété de l'EPFR qui assume ses risques

 

de pertes en application de la loi du 8 novembre 1995, apparait, incertaine au regard des dispositions

 

de l'article 2060 du code civil, selon lequel on ne peut compromettre sur les contestations

 

intéressant les organismes publics, et plus généralement dans toutes les matières intéressant l'ordre

 

public, que cependant, aucun avis n'a été demandé au Conseil d'Etat;

 

Attendu qu'en opportunité le recours à la procédure d'arbitrage était tout aussi contestable ; que ce

 

sont les mandataires judiciaires du groupe Tapie qui en ont eu l'initiative, alors que les chances de

 

succès de l'instance judiciaire engagée par eux douze ans plutôt, étaient à tout le moins

 

sérieusement compromises par l'arrêt de cassation; que le principe du recours à l'arbitrage, qui

 

aurait été arrêté au moment de la prise de fonction, le 18 mai 2007, du nouveau ministre chargé de

 

l'économie, M. Jean-Louis Borloo, ainsi qu'il résulte de l'audition de son directeur de cabinet par la

 

Cour des comptes le 20 juillet 2010, a été retenu malgré l'opposition manifestée à plusieurs reprises,

 

et dès le 27 février 2007, par le directeur général de l'Agence des participations de l'Etat; que, selon

 

la note établie par celui-ci le 1er août 2007 à l'intention de Mme Lagarde, qui a succédé à M. Borloo

 

le 18 juin 2007, le recours à un arbitrage n'apparaissait pas justifié, le CDR étant sorti renforcé de

 

l'arrêt de cassation et disposant de solides moyens de droit devant la cour d'appel de renvoi; que

 

cette note soulignait les inconvénients et les aléas d'un arbitrage, qui exposerait le CDR et donc l'Etat

 

à un risque majeur, compte tenu des revendications déraisonnables affichées par la partie adverse

 

dans les conclusions déposées en juin 2007, conclusions qui pourraient être prises en compte par les

 

arbitres, malgré leur absence de fondement juridique, dans un souci de conciliation ; que cet avis

 

déconseillait au ministre de s'engager dans la voie d'un arbitrage, qui n'était justifié ni du point de

 

vue de l'Etat, ni du point de vue du CDR, et pourrait être considéré comme une forme de concession

 

inconditionnelle et sans contrepartie faite à la partie adverse; que le ministre, dans sa note, en date

 

du 10 octobre 2007, aux administrateurs représentant l'Etat au conseil d'administration de l'EPFR, a

 

cependant donné instruction à ceux-ci de se prononcer en faveur de la proposition qui lui avait été

 

soumise pour avis par le CDR; que la crainte, invoquée par le ministre devant la commission des

 

finances de l'Assemblée Nationale, de voir s'allonger la durée des instances judiciaires et s'accroître

 

le montant des honoraires d'avocat déjà exposés par le CDR, explique mal l'abandon de ces

 

procédures; que celles-ci étaient proches de leur terme, l'article 131-4 du code de l'organisation

 

judiciaire disposant que, lorsque le renvoi est ordonné par l'assemblée plénière de la Cour de

 

cassation, la juridiction de renvoi doit se conformer à la décision de cette assemblée sur les points de

 

droit jugés par elle, et l'autorité de la chose jugée faisant obstacle à ce qu'une demande déjà rejetée

 

puisse être à nouveau présentée sur un fondement juridique distinct ; qu'ainsi que le relève les

 

réquisitoires de renvoi de MM. Scemama et Rocchi devant la Cour de discipline budgétaire et

 

financière, pour les fautes qui auraient été commises dans la gestion de ce contentieux, les

 

honoraires versés aux conseils choisis pour défendre à l'arbitrage, en lieu et place de l'avocat

 

historique du CDR, hostile à cette procédure, équivalent à ceux qu'auraient représenté plusieurs

 

années de nouvelles procédures judiciaires;

 

Attendu que le compromis d'arbitrage, tel qu'accepté par le CDR apparaît également et à de

 

nombreux égards irrégulier; que le Crédit lyonnais, ainsi qu'il résulte d'une lettre du président de son

 

conseil d'administration, en date du 16 novembre 2010 au président de la première chambre de la

 

Cour des comptes, a été exclu de la procédure d'arbitrage; que, par courrier adressé le 28 septembre

 

2007 au président du CDR, il s'était déclaré fort réservé à l'égard de cette procédure compte tenu de

 

l'arrêt très favorable de la Cour de cassation et qu'il a, en conséquence, refusé de verser la

 

contribution forfaitaire de 12 millions d'euros à laquelle était pourtant subordonnée la garantie du

 

CDR; que la lettre ministérielle du 17 mars 1999 ne prévoyait pas la garantie du CDR pour

 

l'indemnisation d'un préjudice personnel des époux Tapie au titre de leur mise en liquidation

 

judiciaire; que le président du CDR a cependant accepté, en signant le compromis du 16 novembre

 

2007, de soumettre à l'arbitrage cette demande, d'un montant sans précédent, présentée au titre

 

d'un préjudice moral fondé sur des fautes imputées au Crédit lyonnais, qui n'était pas partie à la

 

procédure; qu'en acceptant de voir figurer ce poste de préjudice dans le compromis, M. Rocchi

 

pourrait au demeurant, selon le ministère public de la Cour des comptes, avoir commis un abus de

 

ses pouvoirs sociaux; que le conseil d'administration du COR paraît ne pas avoir été informé

 

régulièrement de cette acceptation; que, dans la version du compromis soumise au conseil

 

d'administration du CDR le 2 octobre 2007, il était seulement mentionné que les demandes des

 

mandataires-liquidateurs au titre du préjudice des époux Tapie étaient limitées à 50 millions d'euros;

 

que le conseil d'administration n'a pas davantage été informé de la position du Crédit lyonnais sur la

 

procédure envisagée; que les demandes au titre du préjudice matériel apparaissent tout aussi

 

excessives, alors que le CDR, qui n'était pas demandeur à l'arbitrage, pouvait dicter ses conditions et

 

se référer aux condamnations prononcées par la cour d'appel, laquelle n'avait alloué qu'un euro

 

symbolique pour le préjudice moral et 135 millions d'euros, intérêts compris, pour le préjudice

 

matériel, tandis que le plafond accepté de ce chef pouvait atteindre, avec les intérêts, 450 millions

 

d'euros; qu'alors qu'il prévoyait que le tribunal statuerait en droit et en respectant les décisions

 

judiciaires déjà rendues, le compromis, selon la formule de M. le Professeur Clay devant la

 

commission des finances de l'Assemblée Nationale, enserrait singulièrement le pouvoir des arbitres

 

et pouvait s'assimiler à une transaction, l'une des parties renonçant à des actions en justice pour

 

obtenir une contrepartie;

 

Attendu que le choix des arbitres n'apparait pas conforme aux pratiques habituelles; que les trois

 

arbitres, dont les noms étaient connus dès la réunion du 11 septembre 2007 au cabinet du ministre,

 

ont été choisis d'un commun accord entre les parties, avant même la rédaction du compromis, alors

 

que l'usage aurait voulu que les modalités de cette désignation soient fixées dans cet acte et que

 

chaque partie choisisse son propre arbitre, ceux ainsi désignés nommant à leur tour un président;

 

que les liens de l'un des membres du tribunal arbitral avec le conseil de l'une des parties et

 

l'appartenance d'un autre aux instances dirigeantes du parti politique auquel adhérait M. Tapie, ont

 

permis à la Cour des comptes de considérer, dans son rapport délibéré le 27 octobre 2010, que la

 

composition de ce tribunal était d'emblée défavorable au CDR;

 

Attendu que la sentence rendue a presqu'entièrement fait droit aux demandes des époux Tapie et

 

des mandataires judiciaires; qu'elles ont été satisfaites à hauteur de 80 % pour le préjudice matériel

 

et de 90 % pour le préjudice moral; que la somme de 45 millions d'euros a été allouée de ce dernier

 

chef, sur le seul fondement d'un acharnement exceptionnel de la banque à l'égard des époux Tapie

 

en vue de briser chez eux tout avenir professionnel et toute réputation, sans que le Crédit lyonnais

 

ait pu faire valoir ses arguments en défense, et après que le CDR avait renoncé à soulever

 

l'irrecevabilité de cette demande des mandataires judiciaires, se satisfaisant de l'assurance que les

 

époux Tapie verseraient cette somme pour couvrir l'éventuelle insuffisance d'actif de leur liquidation

 

judiciaire;

 

Attendu qu'alors que des consultations de sociétés d'avocats spécialisés pouvaient laisser espérer

 

une chance d'annulation de la sentence, le ministre a, sans attendre l'expiration du délai d'un mois

 

suivant la signification de la décision, dont disposait le CDR pour se prononcer, demandé par écrit

 

aux administrateurs représentant l'Etat de s'exprimer en défaveur d'un recours en annulation; que

 

des instructions orales auraient même été données à M. Scemama pour que celui-ci, contrairement à

 

la pratique de ses prédécesseurs, participe lors de la délibération du CDR du même 28 juillet, au vote

 

en défaveur de ce recours, acquis par trois voix contre deux;

 

Attendu que de l'ensemble de ces décisions systématiquement défavorables aux intérêts du CDR de

 

l'EPFR et de l'Etat résultent des indices graves et concordants faisant présumer que, sous l'apparente

 

régularité d'une procédure d'arbitrage, se dissimule en réalité une action concertée en vue

 

d'octroyer aux époux Tapie et aux sociétés dont ils détiennent, directement ou indirectement, le

 

capital, les sommes qu'ils n'avaient pu jusqu'alors obtenir, ni des tribunaux judiciaires, ni par la

 

médiation tentée en 2004, ni lors d'une seconde négociation menée en 2006 après le prononcé de

 

l'arrêt de la cour d'appel de Paris, celle-ci ayant également été abandonnée, compte tenu des

 

prétentions jugées inacceptables de M. Tapie;

 

Attendu que la sentence rendue a permis aux époux Tapie et aux sociétés du groupe Tapie dont la

 

situation était, selon certains observateurs, irrémédiablement compromise dès 1992, d'échapper aux

 

conséquences des procédures collectives dont ils étaient l'objet et de se constituer un patrimoine

 

important;

 

Attendu que l'exécution de la décision a entraîné le règlement par l'EPFR, en sa qualité de garant du

 

CDR, de sommes dont la charge sera en définitive supportée par l'Etat;

 

Attendu que ces faits, à les supposer démontrés, sont susceptibles de constituer à la charge de Mme

 

Lagarde les délits de complicité de faux par simulation d'acte et de complicité de détournement de

 

fonds publics, prévus et réprimés par les articles 121-7, 432-15 et 441-1 et suivants du code pénal;

 

qu'en effet le ministre parait avoir personnellement concouru aux faits notamment en donnant des

 

instructions de vote aux représentants de l'Etat dans le conseil d'administration de l'EPFR, voire au

 

président de cet établissement public en sa qualité de membre du conseil d'administration du CDR;

 

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'émettre un avis favorable à la saisine de la commission d'instruction

 

de la Cour de justice de la République aux fins d'instruire contre Mme Christine Lagarde;

 

Ainsi décidé, par la commission des requêtes composée de M. Gérard PALISSE, président, M. Hervé

 

PELLETIER, Mme Françoise CANIVET, M. Serge DAEL, M. Philippe MARTIN, Mme Martine BELLON,

 

membres titulaires, et M. Bruno REMOND, membre suppléant, en présence de Mme Assia BELLIER,

 

adjoint administratif faisant fonction de greffier.

 

Dit que la présente décision sera notifiée par le greffe au Procureur général près la Cour de cassation

 

ministère public près la Cour de justice de la République

 

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président et le greffier.

 

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